Source : Canva
L’état de flow, la « zone », c’est cet état d’esprit stimulant, exaltant, où tu es pleinement dans l’action avec un engagement total. C’est ce moment de bascule où tu tout devient possible, tout est fluide, avec des actions totalement maîtrisées et automatisée. Tu es à la fois dans la maitrise et le lâcher prise. Tu perds la conscience de toi-même, tout devient fluide et facile et ton potentiel et ta créativité sont totalement libérés.
Si tu n’as pas encore lu mes deux articles sur le sujet je t’invite à aller les voir en cliquant sur ces liens ci-après pour approfondir sur le sujet :
L’état de flow, comment l’atteindre ? Partie 1
L’état de flow, comment l’atteindre ? Partie 2
Mais aujourd’hui, ce que j’ai envie de te partager est totalement différent de ce que tu as pu lire jusqu’ici concernant ce sujet. Ce qui m’a amené à faire cette observation sur la recherche de l’état de flow chez le sportif sont entre autres mes nombreuses sessions avec les athlètes que j’accompagne et les diverses discussions que j’ai avec des amis compétiteurs.
Aujourd’hui, je souhaitais mettre en avant les limites de la recherche de l’état de flow et comment elle peut nuire à ta performance. Beaucoup de personnes prônent cet état comme étant le graal à atteindre absolument pour performer. Mais cette recherche permanente d’être dans la zone ne ferait-elle pas l’effet inverse dans la poursuite des objectifs du sportif ? N’emmènerait-elle pas finalement plus d’anxiété, de frustration de déception si justement cet état de flow n’est pas atteint ? Le sportif, en effet, se retrouve ici dans une logique de manque et il perçoit plus d’avantages que d’inconvénients à être dans la zone car pour lui être dans cet état de flow est le seul moyen d’être performant. Mais c’est faux!!
Tu peux très bien performer et ne pas être dans la « zone » et c’est ok comme ça.
Lorsque des joueurs me font un feedback de leur match ou compétition et que je leur demande les points positifs , très souvent pour un joueur de tennis je reçois ce type de réponse : «, j’ai trop bien senti la balle, c’était trop agréable , je ne réfléchissais pas, c’était fluide mais ça n’a durait que 3 jeux »
Ou encore pour des athlètes venant d’autres disciplines : « ça fait du bien car j’avais de supers sensations sur ce début de match, tout passait, c’était fluide, et je ne réfléchissais pas à ce que je faisais » ou encore « mes sensations étaient bien meilleures au fil des matchs, au fil des combats ».
Peut être que rien ne t’interpelle dans ce que tu viens de lire mais laisse moi t’expliquer la limite de cette analyse dans les points positifs et cela est lié au fonctionnement de notre cerveau et ses différents modes mentaux. D’ailleurs je t’invite vraiment à aller lire cet article des différents modes mentaux pour bien comprendre la suite.
Progression vs Sensations
Le fonctionnement de notre cerveau n’est pas forcément fait pour répondre à nos attentes et nos besoins autour de la performance. Notre cerveau est là, je le rappelle, pour assurer notre survie avant tout, et que l’on soit majoritairement dans le plaisir. Il n’est pas là pour nous faire performer et nous permettre d’atteindre nos objectifs. Alors pour comprendre le danger de la recherche du flow dans ta pratique, j’ai besoin de t’expliquer cela.
Nous fonctionnons à 95% par automatisme. Ce qui veut dire que dans des actions courantes, habituelles, c’est le cerveau limbique qui est sollicité. c’est d’ailleurs notre cerveau principal même si ce n’est pas le plus efficace. En effet, ce n’est malheureusement pas le cerveau le plus intelligent. Et pour être plus spécifique, lorsque le cerveau limbique est utilisé alors nous sommes dans un mode mental automatique. Les bénéfices sont qu’il nous permet avant tout un gain d’énergie considérable, un gain d’efficacité, une sorte de fluidité, de maitrise. Je ne réfléchis pas à mon action pour faire ce que je veux faire ( un tir, un coup, une figure, un schéma de jeu…), pas de discours interne, pas d’interférences. Hmmm c’est agréable n’est-ce pas ?!!!! 😉 Et c’est quelque chose qu’on veut absolument retrouver seulement on ne sait pas bien comment cela fonctionne. « Pourquoi étais-je dans cet état-là à ce moment-là et je ne le suis plus à présent ? » Il existe bien évidemment des facteurs permettant de se rapprocher de l’état de flow mais cela reste un vrai challenge de l’atteindre ou bien d’y rester lorsqu’on y est.
Le problème avec cela est que l’on court après une sensation agréable, une sensation quelque part d’extase, qui nous procure énormément de plaisir.
Mais que recherche-t-on quand on est un compétiteur amateur ou professionnel ?
On cherche à gagner, à progresser, à grandir, à évoluer. Et est-ce que la croissance se fait dans le plaisir, dans la fluidité ? Non, rarement pour ne pas dire jamais. Ce qui nous fait grandir et progresser sont souvent les épreuves qui sont sur notre chemin, les difficultés que nous rencontrons, les matchs, compétitions où on ne se sentait pas bien, des matchs que l’on a parfois perdus, ou bien des matchs mal engagés, ou nous n’avions pas de bonnes sensations.
Est ce que tu peux grandir sans inconfort ? La réponse est non. Tu ne progresses que quand tu pousses ton corps au-delà d’un seuil qu’il est capable de faire avec confort. Tu progresses dans ta tête psychologiquement quand tu es face à des challenges à l’extérieur qui te demandent de chercher des solutions, qui te poussent à te réinventer.
Les premières séances en prépa mentale avec les joueurs que j’accompagne, pour ne pas dire la première, s’orientent toujours sur la distinction entre « bien jouer » et « bien s’entraîner ». C’est fondamental de comprendre cela car si tu cherches à bien jouer, tu n’es pas dans la progression, mais simplement dans les sensations, dans la recherche de plaisir. Je ne dis pas qu’il ne faut pas rechercher le plaisir car c’est un ingrédient fondamental de la performance mais il ne faut pas rechercher uniquement le côté « agréable » et « confortable » sinon tu te trompes de chemin pour atteindre tes objectifs et une chose est sûre, c’est qu’en ne recherchant que ça tu ne les atteindras jamais.
Alors je reprends l’échange que j’ai eu avec plusieurs athlètes sur leur feedback en compétition où nombreux d’entre eux me parlaient de « sensations ».
Être à la recherche des bonnes sensations c’est se tromper d’objectif car ce n’est pas cela qui te permettra de gagner tes matchs, tes combats, tes compétitions.
Je pense que toi-même tu as déjà eu de supers sensations et pour autant ça n’a pas suffit pour gagner ton match n’est ce pas ?
Tu es content, tu es dans le plaisir, dans le côté agréable et confortable mais ça ne suffit pas pour gagner un match.
Donc être dans le flow c’est bien pour vivre une expérience agréable et exaltante mais ça ne suffit pas pour performer et atteindre ses objectifs.
J’irai même plus loin, cela peut, à l’inverse, te faire perdre des compétitions.
Pour quelles raisons ? Car tu te focalises uniquement sur toi, sur l’amélioration de tes sensations, sur le plaisir que tu veux éprouver sur ce match, cette compétition mais tu oublies que tu as un adversaire, ou plusieurs adversaires en face, que les choses ne sont pas figées et que les conditions changent au fil de la compétition ( adversaire qui modifie sa tactique, ton jeu qui se dégrade ou s’améliore, une incidence avec l’arbitre ou l’adversaire, les conditions météo qui évoluent etc…)
Rien n’est permanent sauf le changement. Héraclite
Un autre exemple d’un échange que j’ai eu avec une joueuse de tennis qui me racontait son match : elle me livrait que tout se passait bien, qu’elle était en maitrise totale, elle avait le match en main mais que d’un coup, tout s’est inversé et elle s’est faite remonter. Que s’est-il passé ? Et bien, elle était tout simplement en mode mental automatique où elle ne réfléchissait pas à ce qu’elle faisait , tout était simple, fluide et agréable. Seulement comme nous dit Héraclite « Rien n’est permanent sauf le changement » , son adversaire s’est adaptée à son jeu, a changé sa stratégie et il n’y a pas eu de remise en question, de raisonnement, de questionnement. Pour quelles raisons ? Car lorsque nous sommes dans ce mode-là, il n’y a pas de réflexion, ni d’analyse. Dès qu’il y a un problème nouveau ou complexe qui va apparaître, ton cerveau automatique est rapidement perdu parce qu’il est incapable de gérer ces nouvelles situations.
C’est alors qu’il est fondamental de prendre conscience que l’on est dans le mode mental automatique pour basculer sur le mode mental pré frontal permettant l’analyse, la réflexion et l’adaptation à cette nouvelle situation qui se présente.
Comment passer d’un mode à l’autre ?
En entrainant son cerveau à :
– observer, réfléchir, mettre du raisonnement en se posant des questions régulièrement. A travers la méditation de pleine conscience, nous pouvons affuter notre mode mental pré frontal et développer notre perception globale.
– accepter les contrariétés sans se plaindre, envisager les contrariétés comme autant d’opportunités pour s’améliorer au quotidien .
– écouter et poser des questions en permanence et ne jamais penser détenir la vérité. Essayer d’apprendre de chacun de ses interlocuteurs.
– accepter la critique car c’est aussi une occasion de s’améliorer.
– cultiver également l’humilité et la modestie. Cela permet de stimuler le mode mental pré frontal , car plus tu as de connaissances, plus cela te permet d’évaluer ce qui te reste à découvrir.
– prendre le temps de réfléchir et ne pas se laisser aller à la facilité tout de suite. L’effort régulier de mener une réflexion en profondeur va améliorer ton intellect.
– agir malgré les risques car plus tu restes dans l’inaction, plus tu renforces ton mode automatique
– vivre des choses nouvelles, aller vers des choses qu’on ne maîtrise pas, que l’on ne connaît pas.
– éviter les généralisations, les phrases toute faite « c’est impossible, je n’y arriverais jamais », remettre en cause ses certitudes
Si tu es allé au bout de cet article alors tu auras compris pourquoi il est limitant voire dangereux de rechercher à tout prix d’être dans la « zone ».
Pour que l’on performe, il est important de comprendre comment l’être humain fonctionne et principalement comment ton cerveau déclenche ou non l’action. Identifier et maîtriser les différents modes mentaux te permettra d’être plus efficace dans ta discipline, de laisser la partie automatique faire quand elle sert ta performance. En revanche, d’être en conscience des choses le plus souvent possible pour que le mode mental pré frontal prenne les rennes quand il le faut afin que tu t’adaptes aux changements qui s’opèrent durant ta compétition.
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